Scènes de la vie des Légers (21) : Commencement, Amoureux



Commencement

Le Léger et l’Ineffable se mettent à parler.

C’est l’Ineffable, surtout, qui parle. Lui est fasciné par son discours, parce que les mots qu’elle emploie disent, en surface, des choses qui lui échappent, alors que sous les mots, elle murmure autre chose qu’il entend au contraire très bien : elle dit « j’ai envie de te parler, j’ai envie qu’on se connaisse ».

Elle bouge joliment la tête, sa voix est douce et énergique, ce qu’il entend est limpide, et lui aussi partage cette envie de la connaître et de l’écouter. Alors il l’écoute, longtemps, il la laisse l’étourdir, il s’étourdit, il part sur sa voix, pour un voyage dont il sait, dès le départ, qu’il ne reviendra jamais.

*

 

Amoureux

Dès qu’ils tombent amoureux, les Légers ont le cœur qui se met à battre d’une façon spéciale : douce, et suffocante. Leur corps entier est secoué de spasmes chauds et souvent douloureux. Leur vie devient comme un ciel bleu saturé d’intenses éclairs. Ils plongent dans des tourbillons mêlés d’angoisse et de plaisir violent. Ils courent à leurs rendez-vous à des vitesses record, et l’instant d’après leurs jambes ne les portent plus. Ils pâlissent et rougissent au point d’en devenir clignotants. Ils sentent qu’ils deviennent idiots. Ils ne savent pas s’ils pourront survivre.

Les Industrieux observent ces signes avec effarement, car ils assimilent l’amour à un désordre médical majeur. Mais ils savent qu’ils n’y pourront rien faire, s’agissant de Légers, et s’agissant d’amour.

*

 

(à suivre)

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