Saisons simultanées

« Nous allons passer toutes les saisons au même moment ».

C’est bien ce qu’elle avait dit. Elle l’a même répété quasiment mot pour mot quelques instants plus tard, en précisant : ce sera en septembre. Et moi qui n’avais suivi jusque là son exposé que d’une oreille distraite, voilà que j’étais frappé par cette phrase extraordinaire et sa puissance surréaliste : les quatre saisons — printemps été automne hiver —, déployant à la rentrée toutes leurs beautés de façon simultanée, pour trois mois.

Et je me demandais : et après ? Une fois les quatre saisons écoulées ensemble, de quoi se pareraient les neuf mois restants ? Tomberait-on dans un gris perpétuel ? Subirait-on au contraire le sort des imbéciles tropiques, où les jours sont toujours les mêmes, en durée et en chaleur ? Et à passer quatre saisons en même temps, ne risquait-on pas un blocage, une thrombose temporelle, était-on bien sûr que le fil du temps ne craquerait pas sous ce surpoids ?

M’avisant cependant que personne ne manifestait un trouble semblable au mien dans l’auditoire, je revins doucement à la réalité. La personne que j’écoutais était une fonctionnaire qui exposait, dans une réunion, la mise en oeuvre d’une réforme des procédures d’attribution des subventions publiques aux intervenants de la culture. Aux collectivités qui organisaient une saison culturelle, elle disait simplement : désormais, tous vos demandes seront examinées en bloc.

 

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