Premières absences

Au commencement, évidemment, je ne me suis rendu compte de rien. La chose était invisible, indolore, insignifiante. C’était juste la pensée d’une course à faire ou d’un message à envoyer, une idée qui me passait par la tête, et puis je passais à autre chose, et cette idée m’échappait, je m’en apercevais parce qu’il m’en restait le souvenir, le souvenir que j’avais un truc à faire ou que je venais d’avoir une idée, mais qu’est-ce que c’était déjà ?

Ou c’était un visage connu, très connu parfois qui me venait à l’esprit, et je n’y associais pas immédiatement un nom, ou seul le prénom me venait. Sensation de blanc, de hoquet, mon esprit patinait là-dessus comme une roue sur la glace, et j’avais beau en actionner les commandes, il ne se passait rien, le visage restait dans ma pensée, mais muet, lisse, sans nom, sans légende.

Malevitch Carré blanc sur fond blanc

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Bruno Sérignat

Si les signes que tu signales restent à ce niveau, il s’agira simplement du vieillissement cérébral propre à tous les individus approchant ou ayant dépassé l’âge de la retraite : tu n’es pas le seul en pareil cas et je peux personnellement en témoigner ayant depuis quelques mois, et surtout en cas de fatigue, la sensation que “certaines pensées s’enfuient” sans que, quelques secondes plus tard, je puisse en retrouver l’objet. Ailleurs, c’est un nom propre que je prononçais une demi-heure plus tôt qui ne vient plus, voire, parfois, un terme usuel que chaque fois je m’étonne sincèrement d’avoir pu oublier après qu’il m’ait été rappelé par mon entourage.C’est exaspérant mais malheureusement affreusement banal. Rien à voir avec la démence sénile que les ignares baptisent maladie d’Alzheimer selon une mode imbécile venue des USA. Courage : il y a de grandes chances que ça n’aille pas plus loin…

Bertrand

Moins poétique mais plus métaphorique :” Au début je ne m’en étais pas rendu compte, et ce sont les autres qui m’ont fait remarqué que ma braguette était ouverte… puis un jour j’ai oublié de la descendre… Sensation humide et chaude pas très agréable qui me rappela bien un lointain souvenir d’enfance.
Que veux-tu mon bon Jean-Pierre, tu rajeunis chaque jour un peu plus et l’avantage avec Alzheimer c’est que tu vas te faire de nouveaux amis tous les matins et que tu pourras planquer tout seul tes oeufs de Pâques… Ah la vie n’est pas un long fleuve tranquille au bord duquel on peut s’asseoir pour voir passer le corps de ses ennemis.