Je réinvente ma vie

Il a la soixantaine grande, élégante et raide. La qualité de sa chemise et de son costume signent un statut social aisé. On imagine qu’il a exercé, ou qu’il exerce encore, d’importantes responsabilités dans une grande entreprise.

Derrière son apparente assurance perce cependant quelque chose de désemparé. Il jette autour de lui des regards inquiets, se touche nerveusement le nez et le front avec les mains. Il a conscience de ces mouvements et tente de les contrôler. Il m’intrigue. A la vérité, je lui trouve même quelque chose d’émouvant.

Il est plongé dans un livre dont je finis par distinguer le titre : Je réinvente ma vie. C’est bien ça : sur le tard, il se rend compte qu’il n’est pas heureux, qu’il est passé à côté de quelque chose. Il cherche à comprendre, et s’agrippe à l’idée qu’une autre vie est possible. Comment y accéder ? Il a l’intuition du bon chemin : travailler sur soi-même. Mais il y va comme un bon élève : par le cerveau gauche, en s’informant sur le sujet. J’ai envie de lui dire : lâche ton bouquin et respire, regarde par la fenêtre, goûte le paysage, les gens autour de toi. Mais il évite tout contact visuel avec son entourage. Il rend impossible un échange de sourires.

Quand il se lève, arrivé à destination, il remet soigneusement sa chemise dans son pantalon, de peur d’être débraillé. Son voyage ne fait que commencer. Il sera long.