
L’un des plus beaux moments de l’année qui s’achève, pour ce qui me concerne, aura été celui où François Morel et Antoine Sahler ont donné à la Maison de la Poésie une merveilleuse lecture musicale des Derniers Jours de Harry Yuan.
Ce livre a été très bien reçu par la critique, qui l’a plutôt vu comme un thriller. Mais les fins lecteurs s’attachent aussi à l’échange qui court tout au long du roman entre Harry et le narrateur, deux personnages qui se retrouvent vers la fin de leur vie et qui à plusieurs reprises vont évoquer Homère. Pourquoi ? Parce que l’Iliade, c’est le temps des héros : les Grecs, grâce à Ulysse et au fameux cheval de Troie, ont gagné la guerre ; il ne leur reste qu’à rentrer chez eux. Mais dans l’Odyssée, tout se complique. Ulysse n’y arrive pas, il est ballotté par les éléments, il met dix ans à retrouver son foyer : il est redevenu un homme. D’où la question que chacun peut se poser quand la partie active, productive, conquérante de son existence appartient au passé : qu’est-ce que je deviens lorsque j’ai cessé d’être un héros?
C’est ce passage du livre que lisait ici François Morel, avec beaucoup de sensibilité et d’émotion, parce que c’est un excellent acteur, mais sans doute aussi parce que cette méditation ne lui était pas étrangère.

