En 1933, le poète russe Ossip Mandelstam composa une Épigramme à Staline :
Nous vivons sourds à la terre sous nos pieds,
À dix pas personne ne discerne nos paroles.
On entend seulement le montagnard du Kremlin,
Le bourreau et l’assassin de moujiks.
Ses doigts sont gras comme des vers,
Des mots de plomb tombent de ses lèvres
Sa moustache de cafard nargue,
Et la peau de ses bottes luit.
Autour, une cohue de chefs aux cous de poulet,
Les sous-hommes zélés dont il joue.
Ils hennissent, miaulent, gémissent,
Lui seul tempête et désigne.
Comme des fers à cheval, il forge ses décrets,
Qu’il jette à la tête, à l’œil, à l’aine.
Chaque mise à mort est une fête.
Il paraît que Staline ne l’a jamais lue. Qualifiée cependant de « poème terroriste », elle lui valut d’aller finir dans un camp du côté de Vladivostok.
À la différence de Staline, l’actuel maître du Kremlin ne porte pas la moustache. Il rase ses poils comme il aimerait sans doute raser les villes d’Ukraine. Mais pour le reste, les mots de plomb et les chefs aux cous de poulet, qu’est-ce qui a changé, vraiment ?
https://www.europe1.fr/international/le-parquet-russe-reclame-13-ans-de-prison-contre-lopposant-navalny-4099666
Merci beaucoup Jean-Pierre. C’est effet d’une atroce actualité, et la poésie arrive à le dire en si peu de mots…