C’est un document notarié datant de 1937. Il atteste que suite à son décès, tous les biens de Madame Victoire Broca, veuve de Monsieur Pierre Ducasse, ont été transmis à Monsieur Augustin Ducasse, son fils et seul héritier. Augustin Ducasse était mon grand-père, et les biens en question étaient pour l’essentiel constitués par les terres d’Amou dont j’ai le plaisir d’être aujourd’hui propriétaire.
Si on lit attentivement, on y trouve un attendu étonnant : « [d’un acte de notoriété] il résulte que Madame Veuve Ducasse n’a pas fait de dispositions testamentaires connes et qu’elle a laissé pour seul héritier Monsieur Augustin Ducasse ».
Il faut à l’évidence lire connues, et non pas connes, mais j’aime que par la magie d’une faute de frappe, le notaire ou son clerc se soient autorisés à donner un satisfecit subliminal à mon arrière-grand-mère sur la manière dont elle avait géré — ou plutôt pas géré — sa succession. « Ah, tiens, pour une fois la défunte n’a pas fait de conneries », voilà ce que j’entends au détour de cette phrase.
Car des conneries, les notaires en voient beaucoup, qu’ils s’abstiennent la plupart du temps de commenter. Mais on sait que les voies de l’inconscient sont ingénieuses, et que même chez les notaires ce qu’on pense finit toujours par trouver un moyen de s’exprimer.