Elle avait tenu une pharmacie pendant plus de quarante ans. Lorsqu’elle avait pris sa retraite, elle s’était ennuyée. Alors elle s’était mise à écrire ses mémoires.
Elle avait noirci du papier avec quelques anecdotes qu’elle avait vécues dans son officine. Celles qui lui étaient arrivées ne suffisaient pas à faire un livre : elle en avait emprunté à certains de ses confrères et consœurs. (Ma mère allait ainsi retrouver des clients à elle dans la pharmacie de son amie.) Puis elle avait envoyé son manuscrit à une dizaine d’éditeurs de la place. Aucun n’en avait voulu.
Elle s’était alors décidée pour une publication à compte d’auteur. « La Pensée Universelle » (!) Au moment d’imprimer ce “Bocal aux souvenirs“, et peut-être parce que son témoignage dépassait le cadre de sa seule pratique, elle avait renoncé à faire paraître le livre sous son nom. Elle s’était choisi un pseudo. — Claire Lapoty, annonça-t-elle fièrement. C’est bien, non ? Retournez-le, ça fait Lapoty Claire !