Un Chambertin Clos de Bèze 2002 du domaine Rousseau. C’Ă©tait la dernière bouteille qui me restait de mon oncle Jacques Arbon. Je l’ai remontĂ©e de ma cave dimanche soir, lorsqu’une de mes belles sĹ“urs et son mari sont venus dĂ®ner. Nous Ă©tions quatre, il y avait un rĂ´ti et du bon fromage, et l’envie de la boire m’est venue comme ça, sans aucune prĂ©mĂ©ditation.
Il Ă©tait absolument extraordinaire, d’une puissance d’une subtilitĂ© et d’une longueur incroyables. Nous Ă©tions tous Ă©merveillĂ©s par ses arĂ´mes, mais pour moi ce vin rĂ©veillait aussi un cortège de souvenirs de repas de famille magnifiques, quand ma tante, il y a trente ou quarante ans, se mettait aux fourneaux dans sa maison d’Asnières, et que mon oncle, grand amateur de Bourgogne devant l’Eternel, « cassait » (comme il disait) gĂ©nĂ©reusement pour notre plaisir quatre ou cinq de ses exceptionnelles bouteilles.
Le lendemain ma belle sĹ“ur nous a envoyĂ© un texto de remerciement Ă©mu. – J’espère que tu n’as pas de regret d’avoir bu cette bouteille avec nous. – Aucun, lui ai-je rĂ©pondu, au contraire, cette bouteille a Ă©tĂ© bue idĂ©alement : dĂ©gustĂ©e, apprĂ©ciĂ©e, cĂ©lĂ©brĂ©e ! A quoi sert le vin, sinon Ă donner du plaisir ?
Et voici que ce matin, en Ă©crivant cet article, je me rends compte avec un certain saisissement que dimanche, 14 juin, c’Ă©tait exactement le septième anniversaire de la mort de mon oncle. Tonton Jacky, mon cher oncle et parrain. Je ne rĂ©alise cela que maintenant, avec une surprenante et intense sensation de bonheur. Il me plaĂ®t de penser que c’est son esprit qui m’a soufflĂ© : – Vas-y, Jean-Pierre, casse-la !, et qu’il en a humĂ© quelques vapeurs.
Étrange : il m’est arrivĂ© Ă peu près la mĂŞme aventure mais il s’agissait alors d’une bouteille de Chambolle-Musigny 1969 et il s’agissait d’un oncle Jean ! Est-ce cela que l’on appelle l’esprit du vin ?