Centenaire

J’ai une pensée pleine de tendresse pour mon père, qui aurait aujourd’hui cent ans. Nous ne nous sommes pas toujours bien accordés, mais j’ai toujours eu beaucoup d’affection pour lui. Et voici que l’âge venant, je m’aperçois dans mon corps combien je lui ressemble.

Postures raides, mouvements réduits, moues agacées, regards ironiques : je le surprends à déformer mes traits et à reprendre possession de moi. Je dis « reprendre » car quand j’étais enfant on disait que j’étais son portrait craché (par la suite cette ressemblance s’était un peu perdue).

Il revit en moi comme un alien familier, un double inattendu, une poussée d’ankylose, un signal de vieillesse. L’écart de génération s’abolit. Son fantôme commence à hanter mes os et mes organes. Ses gènes s’expriment dans les miens. Lui qui a vécu jusqu’à quatre-vingt quinze ans, il m’apprend le grand âge, ses douleurs, ses résignations, ses silences. Il me guide à l’orée de ce territoire hostile. Il me prépare à accepter ses détresses et m’enseigne à m’y tenir digne.

En bon père, il a repris son enfant par la main, de l’intérieur. 

S’abonner
Notification pour
guest

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
annick c

La génétique, c’est vrai..mais bien plus la compagnonnage, la main dans la main, le cœur à cœur

AGUERRE G.

Et merci pour tes billets si humains! 😊🎵

AGUERRE G.

C’est très beau! Je revis cela pareil avec ma mère, et depuis que j’ai laissé mes cheveux blanchir nature je lui ressemble dans ses photos des années ’70. C’est attendrissant 🌺