Mais sept ans est un âge respectable pour des machines de ce genre; la batterie donnant des signes de faiblesse grandissants, je suis allé voir la boutique Orange, décidé à reprendre un appareil du même type: simple, pas cher, et ne faisant que ce dont j’avais besoin. Le vendeur consulte mes “points”: n’en ayant pour ainsi dire jamais consommé, j’en avais beaucoup. Et il m’annonce: pour 15 centimes, vous avez un iPhone.
Vous me croirez si vous voulez, je n’étais pas plus emballé que ça. Mais quoi, 15 centimes… Je l’ai pris.
Je suis entré dans un autre monde. Le monde fabuleux que vous ouvre ce petit engin. L’iPhone, c’est un couteau suisse technologique invraisemblable. Pour m’en tenir à ce qui m’intéresse, la musique et les mots, je vais non seulement faire l’économie d’un lecteur mp3, mais aussi celle d’un accordeur (j’en ai un vieux que je voulais remplacer), d’un métronome, d’un minidisc enregistreur (quand il me vient une idée de chanson), d’un répertoire d’accords de guitare, et même de leçons de solfège, car il y a un jeu sur le déchiffrage des partitions qui devrait améliorer ma capacité à lire la musique. En plus, j’ai toujours avec moi désormais un dictionnaire français, un dictionnaire anglais, un dictionnaire français-anglais.
Alors oui, cette image est juste. L’iPhone rappelle le monolithe qui apparait dans 2001, Odyssée de l’espace. Comme les singes et les astronautes de Kubrick, ceux qui le touchent basculent directement dans le futur.
ou pour un avare:
Souhaitons que celle qui suivra fasse de même.
Bonne et heureuse année à tous!
J’y associe un autre prêtre, croisé rapidement cette année, à l’enterrement de mon oncle. Mes cousines m’avaient demandé de prononcer quelques mots ce jour-là à la mémoire de leur père. Je l’avais fait, avec une grande émotion. Comme je voulais éviter la langue de bois, et être fidèle à la façon dont il avait vécu sa vie, c’est-à-dire exactement en “bon vivant”, j’avais évoqué des choses qu’on dit rarement dans une église. A la fin de la cérémonie, le prêtre était venu me voir.
– Je crois que le Ciel est bien sage, me dit-il, d’avoir permis que le dernier adieu à votre oncle soit célébré par… le père Paillard!
C’était son nom.
PS: je vais espacer un peu mes publications sur ce blog dans les jours qui viennent. Mais joyeuses fêtes à tous!
Il commence à bien parler, et emploie un jour dans une phrase le mot “bagnole”. Je le reprends.
– Est-ce que tu sais au moins ce que ça veut dire, bagnole?
– Oui. Une bagnole, c’est une voiture qui gène!
Dear World,
The United States of America, your quality supplier of ideals of liberty and democracy, would like to apologize for its 2001-2008 service outage.
The technical fault that led to this eight-year service interruption has been located, and the parts responsible for it were replaced Tuesday night, November 4.
Early tests of the newly installed equipment indicate that it is functioning correctly, and we expect it to be fully functional by mid-January.
We apologize for any inconvenience caused by the outage, and we look forward to resuming full service – and hopefully even to improving it in years to come.
Thank you for your patience and understanding.
The USA
Cher Monde,
Les Etats-Unis d’Amérique, votre meilleur fournisseur d’idéaux de liberté et de démocratie, tient à s’excuser pour l’interruption de service intervenue entre 2001 et 2008.
Le défaut technique ayant conduit à cette panne de 8 ans a été localisé, et les pièces défectueuses ont été remplacées le mardi 4 novembre dans la soirée.
Les premiers essais du nouvel équipement sont satisfaisants, et laissent espérer un retour à la normale vers la mi-janvier.
Nous vous prions de nous excuser pour les inconvénients qui ont pu être provoqués par cette défaillance, et nous espérons non seulement une reprise totale du service, mais encore une amélioration de celui-ci dans les années à venir.
Merci de votre patience et de votre compréhension.
Les Etats-Unis d’Amérique.
Françoise Verny. Quatre ans qu’elle est morte. Quatre ans qu’on l’a enterrée. L’église Saint Augustin n’était ni déserte ni pleine: un étrange entre-deux, entre gloire et oubli. Quelques années plus tôt, le tout Paris littéraire se fût bousculé pour se montrer à ses funérailles. Mais elle avait cessé ses activités éditoriales depuis pas mal de temps, et perdu presque entièrement ce pouvoir de fascination qu’elle avait exercé sur des générations d’auteurs. Alors, n’étaient présents ce jour-là que les fidèles, ou les nostalgiques.
Bernard-Henri Lévy prononça un éloge funèbre assez fade, concentrant son propos sur le métier d’éditeur. Après lui, heureusement, témoignèrent quelques personnes qui avaient partagé ses derniers moments, dont une petite nièce formidable, qui raconta comment, quand on lui en apportait encore, elle se jetait en riant sur de gros morceaux de fromage, et gueulait contre les infirmières.
Un peu plus tard, à sa mémoire, j’avais écrit une chanson, pour moi seul, que je partage aujourd’hui.
Son sac était toujours plein de feuilles volantes
Rehaussées ça et là d’un beau rouge amarante
C’était le manuscrit biffé froissé tordu
D’un célèbre abruti d’une jeune inconnue
Elle allait aux auteurs comme on va aux framboises
Françoise
Lippe jaune et moussue paupière à demi close
Elle faisait métier de lire de la prose
Ou plutôt d’accoucher telle ou tel de ce qu’il
Pouvait avoir à dire de fort ou de subtil
Sa manière était douce ou brutale ou narquoise
Françoise
Elle était grosse et laide mais belle quelquefois
Comme une sainte une sorcière une diva
Parfois dans son regard les fulgurances muettes
D’une âme inassouvie tuméfiée inquiète
Jetaient des séductions massives et matoises
Françoise
A son dernier adieu des chéris clairsemés
Soufflèrent doucement sur sa gloire passée
On évoqua Malraux, Belle-Ile, le long âge
Sa façon d’avaler goulûment du fromage
L’encens montait au ciel en volutes turquoise
Françoise