Je me suis assis à sa table, sans le connaître, et nous avons commencé à parler le plus simplement du monde. C’était un petit bonhomme mal rasé, vêtu d’un T-shirt rose passé et d’un jean, avec le sourire toujours au bord des lèvres, et un étrange éclat dans le regard. Il se présenta comme venant de Belgique, d’une petite ville posée entre la Meuse et l’Escaut nommée Gembloux. Il y avait passé son enfance, puis avait fui à Bruxelles, avant d’y vivre à nouveau, sur le tard. Nous avons échangé sur Paris, la Hollande, l’écriture, Shakespeare. Il me dit qu’il avait réalisé une traduction en français des sonnets, “la meilleure à ce jour – il éclata de rire – sauf pour le sonnet 16 où j’ai commis un contresens !…”
Je lui ai demandé son nom. “- William Cliff. C’est un pseudo. Je suis poète.”
A la fin du repas, il se leva en saluant courtoisement. Un des convives, qui n’avait pas participé à la conversation, me regarda: – William Cliff ? – Oui, lui dis-je. Vous savez qui c’est ? – Mais il figure dans toutes les anthologies contemporaines ! C’est sans doute l’un des plus grands poètes de langue française vivants !
Peut-être vient-il au Marché de la Poésie, qui se tient ces jours-ci place Saint Sulpice à Paris, où je me rendrai sans doute pour y saluer un autre grand poète, Tahar Bekri, l’auteur de Senghor à Bel Air.