« En 2010, sur le marché du spectacle vivant, on observe une stagnation de l’augmentation du chiffre d’affaires qui se traduit en fait par une baisse ».
En prêtant bien l’oreille à ce que disent certaines personnes qui s’expriment oralement en public, il n’est pas difficile de trouver des exemples de phrases, apparemment bien senties, qui n’ont en réalité aucun sens. Quand quelqu’un a pris la parole, il arrive en effet assez souvent un moment où son discours est guidé par la rhétorique plus que par la pensée : la nécessité de dire quelque chose, d’occuper la place d’orateur que les autres lui ont pour un temps concédée, le conduit à s’embarquer dans des périodes dont il ne sait pas très bien où elles le mènent au fond, et où il en viendra fréquemment à contredire ce qu’il est en train d’affirmer.
Cet art de s’élancer sur une chose, et de terminer sur son contraire (le temps, peut-être, de rassembler ses idées), se pratique en général sans que le locuteur en soit plus que cela troublé. Car ce qu’il privilégie à cet instant, c’est la continuité phonatoire, c’est la musique du discours. Ce qui compte pour lui, c’est d’arriver au bout de la sentence sans que le fil sonore ne se rompe, même au prix de lourdeurs de formulation manifestes. Car sa parole, à ce moment précis, ne veut, littéralement, rien dire : elle veut simplement se faire entendre.
Certains orateurs ayant l’esprit plus vif que d’autres, l’antilogie se ramasse parfois en quelques mots. A peine la phrase entamée, ils savent qu’ils vont partir sur autre chose. Alors ils virent brutalement sur l’aile. J’ai entendu dernièrement un « ma première remarque sera en réalité secondaire », qui m’a mis en joie.