A perte de vue

Dans les années 80, Sophie Calle mena un projet artistique sur et avec des aveugles. Alors qu’elle demandait à des non-voyants (de naissance, ou qui l’étaient devenus) d’évoquer une impression ou un souvenir visuel, l’un d’eux lui répondit : « la plus belle chose que j’aie vue, c’est la mer, la mer à perte de vue ».

C’est ainsi qu’une oeuvre peut sortir de son cadre, pour se nicher dans le miroitement intense d’un commentaire.

Les-Aveugles-sophie-calle.jpg

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Muriel

Très beau commentaire qui parle dans un même temps d’une vision et de son regardeur sans regard, de sa “perte de vue” à lui. Les aveugles sont étonnants. J’avais une connaissance dont le compagnon faisait de la photo… La photo était-elle finalement pour lui-même ou pour les autres ? Il essayait de capter l’image d’un paysage devant lequel il vibrait. Mais après, il était dépendant de son amie pour y avoir accès, de son art de la description. Et son commentaire à elle faisait naître en lui une représentation – qui nous restera à jamais mystérieuse puisque les référents des aveugles nous sont étrangers. En particulier, comment un aveugle – surtout de naissance – se représente-t-il le flux et reflux infini de la mer, qu’il ressent avec une acuité sans doute décuplée parce que sa perception n’est pas polarisée par la vue ? Le verbe laisse la sensibilité de chacun libre de créer des images…