Penser à la mort tous les jours : cela permet de vivre plus intensément le présent. Mais cela prépare-t-il à mourir ? Rien n'est moins sûr.
Si j'étais atteint, par exemple, d'une forme grave de cancer, il se pourrait qu'une panique s'empare de moi. Il se pourrait que l'idée paisible de la mort avec laquelle je vis depuis si longtemps se transforme en peur. Comme un marin solitaire tombé de son bateau au milieu des flots, je me mettrais peut-être soudain à me débattre comme un fou pour échapper à la noyade.
J'écris cela, mais il se pourrait aussi que j'accepte que l'aventure finisse. Il se pourrait que je ne me batte pas. Cela ne manquerait évidemment pas d'irriter mes proches et mes médecins, mais l'éventualité existe que je consente à l'inévitable, et que sans agiter les bras outre-mesure, happé par l'élément sombre, dans un soulagement froid, je me laisse couler.
Je comprends parfaitement cette réflexion que je partage totalement. Depuis près de vingt ans à présent, j’essaie également d’intégrer à mon existence la notion de mort en y pensant très souvent mais le temps passe et je me sens toujours aussi mal préparé : je pense que je n’y arriverai pas et que, le moment venu, la panique que tu décris me saisira pour peu que je sache ce qu’il se passe…