Se gaver, ou pourquoi le capitalisme aime l’infinitif

Première statistique : 1% (UN pourcent) des Américains recueillent 24% des revenus du pays en 2008, alors qu’ils se contentaient de 9% en 1976. Dieu soit loué, les riches n’oublient pas de continuer à s’enrichir.

Deuxième statistique : les PDGs des grandes compagnies américaines gagnaient en moyenne 42 fois plus que leurs ouvriers en 1980. En 2001, c’est 531 fois plus. (Quarante-deux, ça ne faisait en effet pas beaucoup, vu que les pauvres sont très mal payés).

Troisième statistique : entre 1980 et 2005, plus des quatre cinquièmes de la richesse créée aux USA s’est retrouvée dans les mains des 1% les plus riches.

C’est ce qu’on appelle vulgairement se gaver.

Où ai-je lu ces chiffres (accompagnés de commentaires assez désobligeants sur une répartition des richesses plus inéquitable – et inique – que dans les meilleures républiques bananières) ? Dans le bulletin de liaison du Nouveau Parti Anticapitaliste (lequel s’appelle avec humour “Tout est à nous”) ? Pas du tout : à la une du New York Times, dans son éditorial du 7 novembre, sous la plume de Nicholas D. Kristof.

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En France, certains continuent (quoique plus timidement qu’avant) à nous chanter l’air du “travailler plus pour gagner plus”. C’est tout le mérite de l’infinitif, dans une telle tournure de phrase, que de dispenser le locuteur d’avoir à spécifier un sujet. Si la langue nous imposait l’usage de l’indicatif, on verrait tout de suite que les verbes travailler et gagner ne se conjuguent qu’exceptionnellement aux mêmes personnes.

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