Préface

La préface parle de choses que l’on s’apprête à lire, mais que l’on n’a pas lues. Il est donc préférable de la sauter, pour n’en prendre connaissance qu’à la fin.

Cependant, à la fin du livre, on trouvera que le texte, s’il est bon, se suffit à lui-même et qu’il n’est pas nécessaire d’y ajouter. S’il est mauvais, on ne voudra pas s’y attarder plus longtemps.

Certains lecteurs ayant malgré tout tendance à se lancer dans les préfaces ex ante, une manière habituelle de les en dissuader consiste à faire de ce préambule un morceau très long, qui, traitant d’une matière qu’ils ignorent et dont ils ne peuvent pas juger, ne présente pour eux aucun intérêt. 

La meilleure préface fait en réalité partie du livre. Tout en se présentant comme une sorte de digression liminaire, elle donne l’esprit de l’œuvre, elle contient son commencement véritable.

Considérons par exemple celle de Don Quichotte, dont j’ai déjà parlé : Cervantès s’y décrit lui-même en train d’en attendre « pour la vingtième fois » la première phrase, indécis, le papier devant lui, la plume sur l’oreille et la main sur la joue, se demandant ce qu’il allait bien pouvoir dire, à une époque où toute publication devait sans hésiter s’ouvrir sur l’éloge obséquieux de nobles et puissants personnages, à qui on dédiait l’oeuvre, et sous la protection desquels on demandait à se placer. La chevalerie était dynamitée d’emblée. 

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© Marcel Nino Pajot

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