Tardi, Voyage au bout de la nuit © Futuropolis/Gallimard
Je vais sans doute faire de la peine à mon vieux père, qui en est chevalier, mais si l’on me proposait la légion d’honneur, je ferais comme vient de faire Tardi : je la refuserais.
Je la refuserais par fidélité envers mon grand-père maternel, à qui on avait voulu la donner pour ses faits d’armes pendant la guerre de 14. « D’accord, avait-il dit, mais qu’on décore aussi tous mes camarades qui sont morts autour de moi. » Ça faisait trop de monde. L’affaire en resta là.
De toute façon, je ne crois pas que la question se pose. Personne ne songe à suggérer mon nom pour cette jolie médaille (ni aucune autre d’ailleurs). Je chemine sur des routes dont il est fort improbable qu’elles m’y mènent, et m’en tiens scrupuleusement au conseil d’Erik Satie : « Il ne suffit pas de refuser la légion d’honneur : encore faut-il ne pas la mériter ».
Un mien ami, qui truste avec gourmandise ce genre de hochets, s’avisa un jour – il y a plus de vingt ans – que le revers de mon veston en restait vierge: “Quoi, mon petit Jacques, pas même le
moindre petit Mérite?”
Depuis lors, le sien s’est “enrichi” de nombreuses décorations françaises et étrangères, y compris le très sélectif “poireau” du Mérite agricole (allez savoir comment et pour quoi ce très Parisien
se l’est vu décerner!).
Moi, je poireaute toujours…C’est mon côté Jacques “tardif”sans doute.