L’homme du Cap

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© Brigitte Ruiz SIBA

Le Cap Ferret est, dit-on, un « doigt plongé dans le gulf stream ». A son extrémité, « comme l’ongle au bout du doigt », se tient un homme. Pieds nus, barbe blanche, regard couleur de ciel changeant, il est debout face à la mer, capitaine à la proue d’un immense bateau immobile, magnifique et menacé. 

C’est le richissime propriétaire des quelques hectares de la pointe du cap. Mais le cap, historiquement, recule, sous l’effet des courants. L’érosion peut lui faire perdre plusieurs dizaines de mètres par an. Alors cet homme, depuis vingt cinq ans, lutte, littéralement, contre vents et marées. Il construit une digue. Il fait venir par camion des milliers de tonnes de pierre et de béton. Il engloutit, littéralement, sa fortune dans la mer. 

Certains disent qu’il est fou, qu’il bâtit sur du sable, et que d’ailleurs sa digue s’effondre régulièrement. D’autres pensent qu’il n’est peut-être pas si fou que cela, qu’à force de s’enfoncer les blocs qu’il amasse finiront par se poser, au fond de l’eau, sur un sol plus dur, et que la digue tiendra. Lui sait. Il sait que ça durera quelques longues années, peut-être trois ou quatre décennies, mais que la mer, « on ne peut que jouer avec elle ». Il sait que le combat est vain, mais que tant qu’on le livre, il n’est pas perdu.

Au bout du bout du cap, à l’abri de sa digue, est en train de naître une dune. Avec sa mine d’Hemingway jovial, il vous montre le sable, le ciel, l’eau, et les petites pousses, si fragiles et pourtant si robustes, des premières plantes qui s’accrochent au sable : – Tu vois, me dit-il : ici, c’est le matin du monde.

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Benoit Bartherotte © David Patsouris

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