L’écriture du monde

L’Italie du VIè siècle, pour dire les choses clairement, est une innommable chienlit. L’empire romain vient d’achever de mourir après une agonie interminable, les Goths se battent continûment contre les armées de mercenaires que Constantinople ne cesse de leur envoyer, le pape n’a ni autorité ni richesse, les Lombards s’entredéchirent à coups de petits duchés pour piller un pays exsangue, et Rome se retrouve même un temps intégralement vidée de ses habitants. Complexe, instable, violente, la période constitue une phase magmatique de l’histoire, une de ces transitions confuses et informes où l’on sait ce qui meurt mais pas encore ce qui est en train de naître.

François Taillandier s’en est saisi pour s’intéresser au destin de quelques personnages qui ont existé et qui, chacun à leur manière, ont réagi à ce chaos. Un vieillard, entre autres, ancien haut fonctionnaire d’un pouvoir déliquescent, s’efforça, en créant un vaste scriptorium, de sauver de la destruction ou de l’oubli les livres (« toute la connaissance que l’Homme avait prise de lui-même ») et les lumières d’un passé antique menacé de disparition. Et une jeune reine lombarde tenta, par le pouvoir que son rang et sa beauté lui donnaient sur les hommes de sa race, une alliance inédite avec un pape pragmatique et inspiré, esquissant ainsi un ordre politique nouveau qui préfigurerait celui de l’Europe à venir.

Les récits de ces destins sur fond de tumulte du monde composent un livre profond, somptueusement écrit. Au-delà de la fresque historique, on y trouve une méditation extrêmement subtile sur l’individu face à l’histoire et face aux circonstances intimes qui l’amènent à décider du cours de sa vie, et à choisir, ou pas, d’« écrire le monde ».

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L’écriture du monde, de François taillandier, Stock, 19 €

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