On cherche à faire parler de soi. Dans un métier public comme celui d’artiste, c’est difficile de faire autrement. Bouche à oreille, “buzz”, sont les agents de la réputation, donc de la notoriété. Certains se fichent d’ailleurs pas mal de ce qu’on dit d’eux. Ils veulent juste, par n’importe quel moyen, occuper l’esprit des gens. D’où la dérive “people” dans laquelle l’oeuvre s’efface derrière la personne, – si tant est qu’il y ait encore une oeuvre, ou même simplement quelque chose qui pourrait y ressembler.
Dans le monde des affaires, on était jusqu’ici plus prudent. Un homme comme André Besnier, le fondateur de Lactalis, premier groupe laitier mondial, avait une admirable devise : « Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit ». Mais les patrons deviennent aujourd’hui eux aussi des “people”, du moins si l’on en juge par les stars (et starlettes) que fréquentent publiquement certains d’entre eux, les héritiers notamment.
Pour en revenir aux artistes dont on ne dit rien, j’aime cette anecdote où apparaît Oscar Wilde. Un poète médiocre de ses contemporains se plaignait auprès de lui, après que le prix de poésie qu’il avait espéré eut été attribué à un autre : « – Personne ne parle de moi, Oscar ! Je suis victime d’une conspiration, une conspiration du silence. Que puis-je faire, mon Dieu, que me conseillez-vous de faire ? » Réponse d’Oscar Wilde : « – Rejoignez-la ».