Désarroi des retours

Je me souviens des retours de grandes vacances, ou de longs voyages, et du désarroi que j’éprouvais à retrouver les lieux familiers que j’avais quittés quelques semaines auparavant. Je ne veux pas dire que j’étais malheureux de revenir, (quoique…), mais le fait de pousser à nouveau la porte de l’immeuble, de revoir les mêmes murs de ma chambre, d’entendre les mêmes voix, me ramenait si violemment en arrière que j’avais l’impression presque douloureuse que rien de ce que j’avais vécu entretemps n’avait eu lieu, que tout n’avait été qu’un rêve.

J’observais l’appartement familial, resté tel, exactement, que si je l’avais quitté la veille, (oui, jusqu’à la petite tache au plafond, jusqu’au craquement du parquet à un endroit précis du couloir), et la coïncidence était si parfaite entre ma perception et mes souvenirs qu’elle annihilait toute idée de durée entre les deux. Les rencontres, les paysages, les fêtes, les amours, l’ensemble de ce que je venais de découvrir et connaître me semblait nié, écrasé, anéanti, par la présence intensément concrète des meubles et des cloisons. Le simple dessin d’un rideau voilait mes aventures, les dissipait dans une absence vague ; la permanence indifférente des lieux et des objets me suffoquait. Je croyais que je n’étais plus le même, donc que tout avait changé, pourtant chaque chose était restée lourdement à sa place.

C’était comme si j’avais vécu une saison dans une bulle de temps qui, d’un seul coup, avait crevé.

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