Je remontais la rue. Je remarquai, loin devant moi, une petite silhouette immobile. La matinée était très fraiche, et le ciel très bleu. C’était comme une première belle journée d’hiver.
Comme je m’approchais, je vis que c’était une femme qui se tenait là, toute droite, sans bouger. Une Chinoise, vêtue d’une robe en satin bleu pâle. Elle pouvait avoir une cinquantaine d’années.
Elle avait les yeux clos et tout son corps était placé dans le soleil. Comme une antenne, elle semblait en capter la chaleur et la lumière. Il se dégageait de ce corps fragile une force muette et intense. Toute l’énergie du jour semblait passer par elle, et l’on aurait dit qu’elle constituait un segment de l’axe du monde: légère, inamovible, centrale, choses et pensées orbitant autour d’elle, et la seule qualité de sa présence les ordonnant, les apaisant, leur conférant couleur et harmonie.
(Arrivé à quelques mètres d’elle, pour ne pas entrer dans sa zone et risquer de perturber la sérénité de ce moment, je suis passé sur le trottoir d’en face, et j’ai pris la photo.)
