Chance

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Une famille française vers 1955

Je mesure mieux, avec les années, la chance que j’ai eue de naître normalement constitué, en bonne santé, dans un pays libre et en paix, au sein d’une famille aimante qui ne manquait matériellement de rien.

Je vois désormais combien ces conditions initiales sont déterminantes pour tout le reste de l’existence. Je n’ai eu personnellement à surmonter aucun handicap physique ou mental, je n’ai subi dans mon enfance aucun traumatisme majeur (guerre, faim, maladie grave, violence, accident, abus sexuel, maltraitance, pauvreté, séparation des parents). La vie m’a été facile.

Longtemps je n’ai pas compris que cette facilité était rare. Pas exceptionnelle, heureusement, mais rare. Je croyais qu’elle était la norme, et que chacun, à la base, ayant connu des conditions de vie grosso modo identiques aux miennes, devait traverser la vie aussi légèrement que moi.

Vis-à-vis de ceux dont j’ignorais qu’ils n’avaient pas eu ma chance, il est certain que j’ai manqué d’indulgence et de compassion. Je me contentais de penser qu’ils n’avaient qu’à faire l’effort de corriger leur mauvais caractère, de surmonter leur mauvaise volonté, ou de dépasser leurs petits blocages. Et s’ils ne le faisaient pas, ou n’y parvenaient pas (et dans mon esprit cela relevait simplement de leur décision), eh bien ils en subissaient les conséquences, et tant pis pour eux.

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