Cathédrale

Au pied de Notre-Dame, sur la Seine, est amarrée une péniche. On y donne parfois des concerts. Un chanteur russe s’y produisait, dimanche, qui chantait surtout des poètes de son pays. A un moment cependant il s’est approché du hublot, et levant la tête vers la flèche et les tours, il a entonné cette chanson de Brel, que je n’avais jamais entendue:

Prenez une cathédrale
De Picardie ou de Flandre
Une cathédrale à vendre
Et offrez-lui un grand mât

L’histoire d’une cathédrale qui, gréée et tirée jusqu’au rivage, prend le large sur la mer, toutes voiles au vent; qu’une longue navigation emporte de l’Angleterre aux Antilles; et qui, à travers le canal de Panama, arrive jusqu’à l’immense Pacifique, où elle erre d’île en île, et dont elle ne revient pas. La chanson se termine:

Prenez une cathédrale
Et ne vous réveillez pas

cathedrale-brel-c-ingy-agzennay.png

© Ingy Agzennay

C’était une nuit de janvier. Je regardais la rosace de Notre-Dame et je pensais à la tombe de Brel, aux Marquises. Brel, ou la liberté de partir. Avant d’en faire sa vie, et sa mort, il en avait fait une chanson. Un Russe exilé, au regard gris et à la voix chaude, venait de me la faire entendre. Ses lèvres, comme celles d’un vieil hypnotiseur, répétaient doucement : « Et ne vous réveillez pas ».

 

PS: renseignements pris, la chanson est une maquette de 1977. On peut l’entendre ici, sur une video très joliment illustrée: http://youtu.be/rWJFnhnUtxY

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