Il raconte qu’il avait huit ans quand sa mère est tombée très malade, et qu’il avait quinze ans quand on a dû la transporter une fois encore à l’hôpital, parce qu’elle n’en pouvait plus de cette douleur immense dans laquelle elle était enfermée.
Il raconte que ce jour-là, pour sortir d’elle-même, pour échapper à ce corps souffrant incapable de bouger, elle s’efforça de penser qu’elle volait, comme une mouette. Pendant des heures, mentalement, elle vola, de ce vol idéal qui sait parfaitement jouer avec le vent, plonger des falaises, raser les vagues, suivre longuement les bateaux.
Il raconte que cela se passait en Bretagne, et qu’au moment où sa mère, à la lisière de la mort, volait, son oncle et sa tante, qui étaient si chers à sa mère, se trouvaient à bord d’un voilier.
Il raconte qu’ils rentrèrent au port, le soir, ignorant ce qui était arrivé à leur soeur, et émerveillés de ce qu’ils avaient vécu : montant vers le soleil, planant au ras des flots, toute en grâce, silence et liberté, une mouette infatigable les avait suivis, la journée entière, ne mangeant rien, ne criant pas, compagne de leur traversée, occupée uniquement à la joie d’être là avec eux.