Dans quoi vivons-nous ?

En commentaire à mon article d’hier sur la sombre, rude et poignante série de photos “Les Invisibles”, de Claire Jachymiak, LN écrit :

« Il n’y a plus d’ouvriers mais des opérateurs, il n’y plus d’industrie mais des déserts industriels, il n’y plus de regards d’hommes fiers de leur travail mais des regards rivés sur l’ordinateur en attente de voir que la machine ne se trompe pas. Un drôle de monde où vie rime avec angoisse, perte de confiance et peut-être agonie ».

Cette observation très juste peut malheureusement se généraliser à un grand nombre de catégories d’actifs. Une consultante spécialiste des ressources humaines me décrivait récemment le désarroi des cadres de la direction financière d’une très grosse entreprise qui avait délocalisé en Inde ses opérations informatiques et comptables : leur rôle n’était plus d’encadrer une équipe pour produire documents et analyses, mais de pointer des listings. Manque de contact humain, responsabilité floue, disparition des repères, sensation de marginalisation ou d’inutilité, perte de sens. On délocalise, on dématérialise : mais si on abolit le lieu et la matière, alors dans quoi vivons-nous ? 

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© Claire Jachymiak / Les invisibles

Il se trouve que je connais LN. Elle m’a raconté un jour qu’elle était la descendante d’Edouard Levivier, fondateur de la fonderie de Valenciennes qui allait devenir plus tard l’une des racines de Vallourec. C’était un patron d’un autre temps, qui respectait profondément les ouvriers. Je me souviens qu’elle m’avait cité cette phrase de lui : « Je serais honoré que les gens qui travaillent pour moi soient heureux ».

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cepheides

Voici résumés en quelques lignes les “bienfaits” de la mondialisation…

LN

Merci. Tu es toujours porte parole de vie.Je suis sûre qu’il y a des hommes et des femmes qui ont envie de replacer l’homme au cœur du système, que le travail peut rimer avec bonheur et honneur. Et
suis aussi sûre que notre rencontre ce n’est pas un hasard… j’espère que ce reportage de Claire trouvera un jour place dans les grands reportages de notre temps.