Eloge de la récitation

La récitation est un exercice qui a été tenu, pendant des décennies, pour l’un des fondements de l’instruction publique. Progressivement déconsidérée par la suite pour des raisons obscures, les autorités éducatives en sont venues à la bannir des pratiques scolaires. Un mouvement s’est néanmoins fait jour récemment pour essayer de la réhabiliter. Tant mieux.

Qu’est-ce que réciter ? C’est d’abord apprendre le texte par cœur, ce qui est utile car la mémoire fonctionne, dit-on, comme un muscle, et se développe quand on la fait travailler. Dans le même temps, cet apprentissage oblige à revenir à plusieurs reprises sur ce texte qu’il faut mémoriser; or à chaque passage, pour peu qu’on ait affaire à un bel écrit, quelque chose de nouveau s’en révèle, un mot passé inaperçu, une couleur inattendue, un sens caché. En reprenant, on élucide, et on approfondit.

Puis il s’agit de mettre ce texte en bouche: mais dire des mots, c’est très différent de les lire, autant que jouer de la musique peut l’être de l’écouter. Dire des mots, c’est les remplir de son, les gonfler comme des voiles, les sortir de leur silence en leur insufflant quantité de nuances insoupçonnées. C’est les rendre charnels, les incorporer à soi, en soi, c’est les faire rentrer dans son souffle, dans sa voix, dans sa propre langue… 

Enfin, bénéfice ultime, une fois passé des yeux à la tête, puis de la tête à la bouche, le texte récité vous marque, il reste en vous, et finit souvent par s’incruster dans votre coeur. Là, il opère la vie durant comme un remède contre les phrases plates, les propos médiocres, les pensées sommaires. Accroché, gravé au fond de vous, charmant, élégant, indélébile, il est comme un tatouage dont vous auriez orné votre esprit.

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cepheides

Oui mais – dixit le rectorat – faire apprendre par coeur, c’est quelque part “forcer” l’enfant en l’empêchant “d’exprimer naturellement ses sentiments”. De la même manière, exit la grammaire
(apprendre des règles, quelle horreur !) et bien souvent aussi l’orthographe (d’ailleurs, faut-il connaître la syntaxe pour s’exprimer “naturellement” par SMS ?). Du coup, on préfère la découpe
“volontaire” d’articles piochés ici ou là dans les journaux et commentés “librement” par les impétrants. Le résultat de cette grande tentative de “libération” de l’individu ? Un peuple
d’analphabètes…