Ils ont déjà bien bu et débattent de la différence qu’il y aurait lieu de faire (ou pas) entre les cuvées dites “grains nobles” et celles qu’on nomme “vendanges tardives“. Mais leur langue fourche, et par trois fois, alors que le ton monte, ils parlent de “vengeances tardives“.
Le vin est un de ces sujets de conversation masculins (comme la voiture, le sport ou la politique) qui offre parfois un terrain d’affrontement symbolique aux virilités. Tout est courtois en apparence, mais par-dessous les coqs se toisent, se défient, gonflent leur plumes, font briller leurs ergots. Chacun hérisse ses connaissances et gronde ses arguments, pare, esquive, attaque, riposte, si bien que le déroulement de cette lutte feutrée aux coups invisibles peut en effet susciter, chez l’un ou l’autre des protagonistes, un désir de vengeance.
Qualifier celle-ci de tardive est en l’occurrence une manière assez opportune de rappeler à l’adversaire que, comme les raisins qu’on attend l’hiver pour cueillir, elle est un plat qui se mangera froid.