Deux randonneurs avancent sur une crête entre deux à-pics. Ils sont très proches l’un de l’autre, progressent au même rythme. Ils évoluent ensemble et vont continuer ainsi longtemps encore, cela se voit. L’un d’eux soudain pose le pied sur un caillou qui se dérobe, il glisse, il dérape, il tombe, il dévale la pente, une distance immense se crée en un instant entre lui et son camarade, et il meurt alors que l’autre reste vivant.
J’ai lu l’autre jour (mais je ne sais plus sous la plume de qui) cette illustration de la théorie du chaos. Elle me plait beaucoup. Une variation infime au sein de conditions initiales apparemment identiques va conduire à des situations entièrement différentes : en haut, en bas ; en vie, ou mort. Sans aller jusqu’à ces extrêmes, je me demande combien de fois dans mon existence j’ai divergé selon ces lois de la trajectoire que j’étais en train de suivre. Chaque jour, peut-être. Pour le pire, ou pour le meilleur, combien d’hésitations, combien de grains de sable, combien de regards, combien de rencontres, combien de courants d’air ?