Je m’aperçois que j’ai commis au cours des dernières semaines plusieurs articles qui, par leur fond ou par leur titre, font allusion au chant des oiseaux (Dégoisant à l’envi, Rrok-rrok, Ne pas piper). J’y reviens donc, pour évoquer l’oiseau chanteur par excellence: le rossignol.
© Hervé Michel
Me tournant une fois de plus vers Wikipedia, j’apprends que son chant est « des plus mélodieux mais aussi des plus complexes. On dit qu’il chante, gringotte, quiritte ou trille, de jour comme de nuit. Il a fasciné les chercheurs qui ont dénombré entre 120 et 260 séquences différentes, qui durent en général de 2 à 4 secondes. Le jeune mâle apprend à chanter en écoutant les plus expérimentés et marque ainsi son territoire, ou tente de séduire les femelles ».
C’est cette fonction séductrice du chant qui inspire Ronsard :
Rossignol mon mignon, qui dans cette saulaie
Vas seul de branche en branche à ton gré voletant,
Dégoisant à l’envi de moi, qui vais chantant
Celle qu’il faut toujours que dans la bouche j’aie,
Nous soupirons tous deux, ta douce voix s’essaie
De fléchir celle-là, qui te va tourmentant,
Et moi, je suis aussi celle-là regrettant,
Qui m’a fait dans le coeur une si aigre plaie.
Toutefois, Rossignol, nous différons d’un point.
C’est que tu es aimé, et je ne le suis point,
Bien que tous deux ayons les musiques pareilles,
Car tu fléchis t’amie au doux bruit de tes sons,
Mais la mienne, qui prend à dépit mes chansons,
Pour ne les écouter se bouche les oreilles.
Le rossignol est aimé, et Ronsard ne l’est pas. Cela le rend mélancolique. Tant mieux, car d’après Cioran, « dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter ».
Source d’émerveillement est pour moi le chant matinal du merle. Avant l’aube j’ai entendu dans la nuit encore chemisée de bleu jaillir le chant de cristal du merle dans l’espace prochain qui résonne devant mes yeux
Intriguée par l’insolite des deux mots associés par Margaret Somerville pour le titre de son ouvrage “Le canari éthique”, dans lequel l’oiseau sentinelle désigne de manière métaphorique tout un
ensemble de thèmes, de questions, de débats, qui révèlent l’atmosphère morale dans laquelle baignent nos sociétés, je fais des recherches et rencontre l’histoire du canari Harz.
Dans les mines de charbon d’Allemagne et de France, au XIXe siècle, on élevait parfois contre la menace mortelle du grisou un petit oiseau sentinelle, le canari Harz.
L’oiseau accompagnait les hommes de ses modulations au fond des galeries souterraines, éclairant la nuit de sa couleur vive, la peuplant d’un chant qui signifiait la vie. Car l’animal, doté de
cordes vocales extrêmement sensibles, se taisait aussitôt qu’un souffle de grisou lui brisait la voix.
Et tandis que le gaz lui ôtait en même temps l’existence, son silence avertissait les hommes du danger qui les menaçait à leur tour.
La découverte de l’histoire de ce frêle animal donne lieu à un texte et un livre en série limitée intitulé “Le chant du fil”.
le chant du fil
bouche avant évanouit dans la cage
des mines de mal odeur
l’oral jaune au chant du fil monté
jusqu’à l’asphyxie
petit oiseau suisse tic
le labyrinthe toc
la poussière tic
descendre le bec
mal horreur plein le nez
mythe au creux de la nuit
collapse le Hartz
coucou au fil du chant invisible
mine noire
contre chant toc gaz en caverne
grisou
dodeliner révèle le coupe cui-cui
du fond éthique du canari
Le chant du fil 2009
Monotype. Linogravure, pochoir, encre typographique, gouache, impression jet d’encre sur papier BFK Rives 250 gr.
rafaële ide