C’était il y a un an, l’élection présidentielle commençait à battre son plein, lorsque M. Fillon vit sa candidature éclaboussée par un début de suspicion, concernant le travail d’attachée parlementaire qu’il avait confié à son épouse Pénélope du temps qu’il était député.
Cela m’avait inspiré cette petite fantaisie.

Je ne suis évidemment pas le premier à avoir l’idée de faire le rapprochement entre une certaine Pénélope F., laquelle s’est mise tout-à-coup, contre sa volonté, à faire beaucoup parler d’elle, et la chanson de Brassens. Mais je veux creuser un peu l’affaire, et montrer comment, à partir du texte de celle-ci, on pourrait, moyennant quelques altérations, en arriver au portrait (vrai ou faux, ce n’est pas à moi d’en juger) que ses détracteurs aimeraient tracer de celle-là.
Voici donc le texte, et les premières annotations ou commentaires que j’y ai apportés dans cette perspective. Les lecteurs que cela amuse sont bien entendu invités à ajouter leur pierre à l’édifice.
PENELOPE (Georges Brassens)
 
Toi l’épouse modèle le grillon du foyer1 
   Toi qui n’as point d’accrocs dans ta robe2 de mariée 
   Toi l’intraitable3 Pénélope 
   En suivant ton petit bonhomme de bonheur 
   Ne berces-tu jamais en tout bien tout honneur 
   De jolies pensées interlopes4
1 amorce de contrepèterie : le Fillon du groyer (?)
  2 bourse conviendrait mieux
  3 impayable eût été un contresens
  4 interlope : “qui se fait en fraude, dont l’honnêteté ou l’honorabilité sont douteuses”. La rime est parfaite (et riche).
Derrière tes rideaux dans ton juste milieu 
   En attendant l’retour d’un Ulysse5 de banlieue 
   Penchée sur tes travaux de toile6 
   Les soirs de vague à l’âme et de mélancolie 
   N’as-tu jamais en rêve au ciel d’un autre lit 
   Compté de nouvelles étoiles7
5 En Français moderne, Ulysse devient François et navigue sur la Sarthe
  6 il s’agit sans doute de tapisser le siège d’un député
  7 on sait aujourd’hui que Pénélope y comptait aussi des biftons
N’as-tu jamais encore appelé de tes vœux 
   L’amourette8 qui passe qui vous prend aux cheveux 
   Qui vous conte9 des bagatelles10 
   Qui met la marguerite11 au jardin potager 
   La pomme12 défendue aux branches du verger 
   Et le désordre à vos dentelles13 
8 comprendre : la galette
  9 faute d’orthographe, rare chez Brassens. Lire : compte, comme plus haut
  10 antiphrase. Ex : “une bagatelle de 500 000 €”
  11 ou plutôt le bouton d’or
  12 la pomme d’or également
  13 allusion possible aux femmes vénales qui glissaient jadis les paiements reçus en espèces dans leur corsage ou sous leur jarretière
N’as-tu jamais souhaité de revoir en chemin 
   Cet ange, ce démon14 qui son arc à la main 
   Décoche des flèches malignes 
   Qui rend leur chair de femme aux plus froides statues 
   Les bascul’ de leur socle bouscule leur vertu 
   Arrache leur feuille de vigne15
14 le démon dont il est question dans cette strophe est évidemment l’argent qui corrompt
  15 découvrant ainsi la fente de la tirelire
N’aie crainte que le ciel ne t’en tienne rigueur16 
   Il n’y a vraiment pas là de quoi fouetter un cœur 
   Qui bat la campagne17 et galope 
   C’est la faute commune et le péché véniel18 
   C’est la face cachée de la lune de miel 
   Et la rançon de Pénélope19
16 le ciel sans doute pas, mais l’électeur ?
  17 campagne électorale, s’entend
  18 c’est ce que disent tous ceux qui sont pris les doigts dans la confiture
  19 la face cachée, la lune : métaphores pour le derrière. On peut de cette façon suggérer à mots couverts que les protagonistes de cette histoire pourraient finir par l’avoir dans le fion.

A ce propos, je rappelle que tout-à-l’heure à 15 heures aura lieu au studio Hébertot à Paris une nouvelle représentation de La Fontaine / Brassens, avant une dernière le 17 février.
Qu’on se le dise !

