Détail

J’aime, dans les photos et les tableaux, isoler des détails. Je me suis rendu il y a peu à Casablanca, et je suis allé marcher un soir près de la mosquée Hassan II, où j’ai pris quelques photos avec mon iPhone. Sur la grande esplanade, des enfants jouaient. De jeunes garçons de sept ou huit ans donnaient de grands coups de pied dans un ballon de foot, et prenaient un plaisir visible à se faire des passes par-dessus les têtes des promeneurs et des pélerins. Cela attira l’attention d’un gardien, qui mit sans grande conviction son sifflet à la bouche. Ils se déplacèrent en riant et continuèrent leur jeu un peu plus loin.

Je n’ai pas photographié la scène, mais en regardant les trois photos que j’avais prises de l’ensemble de l’édifice, j’ai trouvé, dans un coin de l’une d’elles, deux autres enfants que je n’avais pas vus. Ils courent sur l’étendue presque vide, ils ne semblent pas se diriger vers quelqu’un. Le petit, en jaune, suit sa grande soeur. Le soir tombe. Loin devant eux, une porte. C’est là qu’on dirait qu’ils vont. Si bien qu’en resserrant le cadre autour d’eux, et me focalisant sur leur course figée dans la pénombre et le silence, une nouvelle image se crée, dont le caractère cesse d’être uniquement anecdotique et profane, et dont je ne suis plus certain du sens. Un mystère diffus s’est installé. Il me revient cette injonction du Coran : “Fuyez vers Dieu“. Les ouvertures noires de l’immense mosquée paraissent fonctionner comme des bouches aspirantes. Ces enfants, peut-être, s’y précipitent.