Kay Bojesen, Danemark © Niels Bo Bojesen
Il est toujours intéressant de prendre du recul, et de regarder les choses avec la distance de l’étranger. Pas besoin forcément d’aller sur Sirius : je me souviens que du temps que je vivais aux Pays-Bas, où je captais très bien la radio française, j’avais été frappé du décalage que cela avait produit dans ma façon d’entendre les infos. Combien de fois me suis-je pris à penser : mais ce journaliste, ce commentateur, ce politicien, de quoi parle-t-il vraiment, que ne regarde-t-il un peu ce qui se passe ailleurs, et quand cesseront-ils tous de se complaire (sans même s’en rendre compte) dans l’admirable nombril français ?
Ce nombril, au fil du temps, semblant avoir tendance à s’hypertrophier, nos voisins s’inquiètent : « Au secours, les Français vont voter » : tel est le titre d’un article paru il y a quelques jours dans le quotidien espagnol El Mundo. Il traduit assez bien la crainte qui s’empare des Européens au moment où nous allons faire, sans nous soucier d’eux le moins du monde, un choix qui pourtant pèsera aussi sur leurs vies. La France n’est pas seule au monde, et ne devrait pas se comporter comme si elle ignorait qu’elle ne l’était pas. (Fermer les frontières, par exemple, comme plusieurs candidats le proposent, c’est d’abord claquer la porte au nez de ses proches. Au nom de quelle supériorité ? De quelle recherche de pureté ? De quelle peur ? Le Royaume-Uni maîtrise ses frontières, ça n’a pas empêché l’attaque de Westminster bridge, le mois dernier. Je ne parle même pas des Etats-Unis…)
Le philosophe allemand Peter Sloterdijk, qui, il y a une dizaine d’années, décrivait la Terre comme enserrée désormais dans une armature invisible de signaux d’information et de flux d’argent (dans son essai Le palais de cristal, que j’avais lu avec un vif intérêt), écrit cette semaine dans le Monde : « Il faut peut-être être français pour trouver normal le spectacle du premier tour de l’élection présidentielle. Vu de l’extérieur, ce processus donne plutôt l’impression qu’on ouvre tous les cinq ans la boîte de Pandore afin que tous les maux imaginables essaiment dans l’atmosphère, avec quelques utopies dont on espère qu’elles ne se traduiront pas dans la réalité ».
C’est vrai. Alors je pense aux Espagnols, aux Allemands, aux Italiens, à mes amis néerlandais, et à beaucoup d’autres, et je me dis qu’en votant demain, je ferai aussi attention à eux.
(En parlant de mes amis néerlandais, on se souvient de la façon dont ils avaient présenté leur pays au nouveau président américain. Eh bien pour se détendre en attendant les résultats du scrutin, voici la nouvelle et excellente video que M Trump leur a inspirée. En amateur de Léo Ferré, je pense qu’on pourrait l’intituler : le piano du pauvre n’a pas fini d’jacter.)
https://www.facebook.com/Viraaltjes/videos/1876563915944604/
Pourquoi Bruno Sérignat n’irait-il pas voir le documentaire A voix haute ? Merci à Arbon pour son blog, Nathalie Béchennec
Donc, si on comprend bien, il faut uniquement penser aux autres et n’agir qu’en fonction de leurs intérêts à eux ? Eh bien désolé mais l’élection concerne la France et les Français, les autres passant après. Et si l’intérêt de nos concitoyens était de ne pas se laisser forcément envahir par les idées venues d’ailleurs et que, en somme, nous puissions conserver ce qui a fait notre histoire et notre culture ?
Non pas penser uniquement aux autres, mais aussi à eux.
Quant aux idées et aux cultures venues d’ailleurs, moi j’aime bien Ravel et Brassens, mais aussi Mozart et les Beatles.
Allez, allez ! Tu sais parfaitement ce que je veux dire : il n’est nullement question de vouer Mozart aux gémonies mais de garder cet “esprit français” qui nous fait (en tout cas moi) tant aimer ce pays : la culture des autres, certes, mais à doses modérées. De façon à pouvoir l’intégrer en partie à la nôtre… Et, pour cela, quoi que l’on dise, il faut bien des frontières quelque part.
Pas de La Fontaine sans Esope, de Racine sans Euripide, de Molière sans Plaute et Térence. Heureusement que la culture française ne connait pas de frontière, ni dans le temps ni dans l’espace : elle n’existerait quasiment pas.
Je ne souhaite pas polémiquer mais tu te trompes : il existe des frontières, y compris culturelles. De fait, lorsque tu cites les origines de notre culture, tu apportes de l’eau à mon moulin : évidemment, nous venons bien de quelque part mais nous nous différencions des autres cultures contemporaines et la nôtre est notre patrimoine, notre trésor commun. Je ne souhaite pas l’abandonner au prétexte d’une “modernité globalisée” qui n’est que de la bouillie pour chats. Notre Dame de Paris, c’est Victor Hugo et non pas, comme le croient nos enfants, Walt Disney.