J’ai lu ce weekend avec avidité En cherchant Majorana, le nouveau livre d’Etienne Klein. Etienne s’y lance sur la piste d’Ettore Majorana, un physicien italien aussi génial qu’énigmatique, disparu en 1938 entre Naples et Palerme, à l’âge de 32 ans.
L’homme n’a laissé que très peu de traces. Les grands noms de la physique de l’époque (Fermi, Heisenberg) le tiennent pour un génie absolu, mais lui, atteint sans doute d’une forme d’autisme, n’a publié que quelques articles théoriques, auxquels ses contemporains ne pouvaient rien comprendre, tant ils étaient en avance sur les questions du moment. Le reste du temps, il noircissait des pages d’équations, qu’il jetait à la corbeille une fois sa recherche accomplie.
Ce qui est fascinant chez Majorana, c’est la fulgurance obscure de cet homme, qui caractérise sa vie scientifique aussi bien que sa vie personnelle. De sorte que, pour approcher le mystère de son œuvre comme celui de sa disparition, Etienne finit par renoncer aux schémas biographiques classiques, pour adopter une vision quantique de l’existence. Car même sa mort est incertaine, c’est-à-dire marquée, au sens fort, par le principe d’incertitude : le soir du 25 mars 1938, il embarque sur un bateau à destination de sa Sicile natale, après avoir laissé une lettre où l’on comprend qu’il a décidé de mettre fin à ses jours. Mais le destinataire de la lettre reçoit le lendemain matin, de Palerme, un télégramme disant : « Ne tiens pas compte de ce que je t’ai écrit. La mer m’a refusé ». Depuis, plus de nouvelles. D’improbables témoignages indirects. Des hypothèses invérifiables. Des supputations.
Comme le souligne Etienne, Majorana s’est retrouvé après 1938 dans la situation du chat de Schrödinger: impossible de décider s’il était vivant ou mort. Ou s’il a fini par devenir un équivalent humain de la particule qui porte son nom: un neutrino n’interagissant pas avec l’environnement, étant à lui-même sa propre anti-matière, et à ce titre indécelable, indétectable, maladivement discret, furtif au-delà de toute expression.
En cherchant Majorana, d’Etienne Klein Editions Equateurs / Flammarion
JE COMPREND TOUT EXCEPTÉ LE TOUT.fermaton.over-blog.com
… et pourtant, il était bien composé de matière, dans un monde macroscopique !