C’était samedi, quarante huit heures après l’attentat de Nice. Une lamentable controverse politique envahissait écrans et réseaux. J’ai ouvert une vieille armoire remplie de livres, et j’en ai tiré un volume recouvert de papier cristal, que j’ai commencé à feuilleter. Sous la plume d’un certain Guiraut Riquier, né à Narbonne dans le deuxième quart du XIIIè siècle, j’ai lu :
Bien devrais cesser de chanter 
  Car au chant convient l’allégresse 
  Et tant m’étreignent les soucis 
  Que de toute part j’ai douleur 
 Rien ne m’est que source de pleurs (…)
 Rien ne peut-on voir ou entendre
  Que grimaces de bateleurs
  Poussant de grands cris sans décence.
  Car tout ce qui offrait la gloire
  Est tombé au fond de l’oubli.
  Peu s’en faut que sombre le monde.
Et comme pour faire un écho plus précis à la triste et terrible actualité :
Nous devons craindre grand péril
  De double mort présentement :
  Que Sarrazins aient la victoire,
  Et Dieu nous laisse en abandon.
  Et divisés comme nous sommes
  Vite serons-nous terrassés :
  Ils ne connaissent leur devoir
  A ce qu’il paraît, nos bons maîtres.
Nos craintes, nos hantises, nos colères, nos tristesses sont les mêmes. En huit cents ans, la France n’a pas changé.
Les Troubadours, éditions Egloff, Fribourg, et LUF, Paris 1946.


Triste perspective, si tout recommence : reste la musique pour oublier…