Histoire de tunique

J’ai appris au cours d’un récent dîner que la tunique du Christ, celle qu’il portait le jour de sa passion, se trouvait à Argenteuil. Un endroit inattendu, m’a-t-il semblé, mais on m’a précisé qu’elle était là depuis Charlemagne. L’empereur d’Occident l’avait reçue en cadeau d’Irène, impératrice d’Orient, laquelle souhaitait s’attirer les bonnes grâces de son collègue et, comme il était veuf, se marier avec lui. L’aristocratie byzantine trouva que ce n’était pas une bonne idée : Irène fut déposée par un coup d’état. Charlemagne, plutôt que de renvoyer la tunique à des Levantins agités, la confia à sa fille Théodrade, prieure du monastère d’Argenteuil.

Peu après, pour la soustraire aux exactions des Vikings, on la scella dans un mur, où on l’oublia quelques siècles, avant qu’elle ne réapparaisse au Moyen-Age à l’occasion de travaux. Elle devint alors un objet de vénération. A la Révolution, le curé d’Argenteuil, craignant sans doute que les sans-culottes ne s’en revêtissent, la découpa lui-même en morceaux, en enterra une partie dans son jardin, et distribua les autres à ses ouailles, qui les égarèrent, si bien que plusieurs bouts sont aujourd’hui manquants.

Depuis, elle est bien rangée, dans un reliquaire, et on ne la sort, pour une « ostension solennelle », que deux fois par siècle. Les deux dernières ayant eu lieu en 1934 et 1984, on ne s’attendait pas à la revoir avant encore dix-huit ans, mais c’était sans compter sur l’évêque actuel, qui a décidé, pour des motifs d’anniversaires (de son diocèse et de la basilique), qu’une ostension aurait lieu en 2016, du 25 mars au 10 avril.

Le 10 avril c’est demain. Ceux que ça intéresse sont priés de se dépêcher.