Yeux musiciens

Elle est assise en face de moi, dans le métro. Elle a son sac posé sur ses genoux. Un paquet de photocopies en dépasse, qu’elle feuillette une à une, sans les sortir, en jetant un coup d’œil à la partie supérieure de chaque page. Parfois elle s’attarde sur l’une d’elles: elle la tire légèrement du tas et se concentre davantage sur sa lecture. Ses mains s’agitent à mesure que ses yeux avancent. Je comprends qu’elle est pianiste et qu’elle examine des partitions.

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Elle sort une feuille de son sac : elle vient de choisir un morceau. Elle y plonge par le regard. Ses doigts, avec une virtuosité extrême, miment sur le rebord du siège les mouvements qu’ils feront sur le clavier. Comme je l’envie ! Elle a accès à un monde dont je n’ai jamais trouvé l’entrée. Les notes lui parlent, directement ! Moi, mes années de solfège ne m’ont jamais conduit à parler la langue de la musique couramment. Je suis incapable de la déchiffrer autrement que note à note, laborieusement, avec le secours d’un instrument. Elle, sans casque, sans rien, s’est totalement immergée dans sa cavatine.

Face à elle, je me sens pauvre et infirme, parce qu’il n’y a que le bruit du métro dans ma tête, parce que jamais je n’entendrai par les yeux. 

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