L’arène, ou la vérité de la scène

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Paco Ojeda

Lorsque j’ai débuté le métier de chanteur, parmi tous les avis et les conseils qui me furent dispensés, l’un de ceux qui me frappa le plus me fut donné par Marc Reynaud, un très grand connaisseur de l’art tauromachique, et lui-même l’un des meilleurs picadors français. Après avoir assisté à l’un de mes premiers spectacles, il me dit : « – C’est bien. Mais n’oublie pas : il faut cent arènes pour faire un toréro. »

Lorsqu’il parle de son travail d’artiste de scène, Frédéric Pagès cite les propos de Paco Ojeda, matador de Toros :
« J’ignore ce qu’est la multitude et je ne peux pas toréer pour les multitudes. Mille personnes, c’est déjà une multitude. Vingt également. On est sur le bon chemin lorsqu’il en reste deux ou trois. Si tu es seul avec le taureau, la vérité est là.
J’imagine que les écrivains travaillent dans la solitude. L’artiste a besoin de solitude. Son métier est très difficile. Il lui faut concilier ce qui est à l’extérieur et ce qui est à l’intérieur. Je ne sais pas si je m’explique bien : ce qui se trouve à l’intérieur, c’est notre émotion, et ce qui se trouve à l’extérieur, la compréhension que les autres en ont. Ce n’est pas le taureau qui me fait peur, c’est l’incompréhension. »

C’est sans doute cela, le véritable enjeu d’être en scène face à un public : parvenir à être seul sous le regard des autres, accéder à une vérité intime, la sortir de soi, l’exposer sans la trahir. Il faut maîtriser suffisamment son art pour que, dans son extériorisation, cette vérité reste pure, qu’on la montre sans l’exhiber, ni la contrefaire, ni avoir besoin de l’expliquer.

Cette crète infiniment étroite, il faut bien en effet cent arènes pour arriver à s’y tenir.

Frédéric Pagès est en concert au théâtre des Déchargeurs, 3 rue des déchargeurs à Paris 1er, les 15, 16, 22 et 23 juin à 19h30.

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