Lorsque Papa eut cinquante ans, quelqu’un lui offrit le dernier 33 tours de Serge Reggiani, qui venait de sortir. La dernière chanson du disque s’appelait “La Cinquantaine”, cela justifiait le cadeau.
Ce disque s’ouvrait sur une chanson aussi magnifique que lugubre. Elle s’intitulait “Rupture”, et aussi surprenant que cela puisse paraître, on en devait les paroles à Jean Dréjac, l’auteur de “Ah ! le petit vin blanc”… (La musique était signée Michel Legrand). C’était le triste constat d’une fin de partie. Deux êtres s’étaient aimés si intensément qu’ils préféraient rompre plutôt que d’accepter les relations tièdes auxquelles condamnent la durée, et l’habitude. Il y avait quelque chose de déchirant et d’implacable dans la lucidité apparente du narrateur :
Il faut être artiste
Jusqu’au bout des doigts
Pour sculpter des joies
Quand la chair est triste
© Esther
J’écris lucidité apparente, parce qu’aujourd’hui je sais qu’il n’y a pas de fatalité qui ferait qu’avec le temps la chair devient triste, ou pour être plus concret qu’elle serait nécessairement plus triste à cinquante ans qu’à vingt. A vingt ans, cependant, difficile de ne pas le croire…
Tiens, Hergé, en voilà un qui fut peut-être plus “chaud” à 50 ans qu’à 20…
Moi je me souviens encore
De cette vieille tante aux cambrures militaires
Toujours debout devant le monument aux Morts
Son regard s’enflammait encore
Quand passait un permissionnaire …
(Modiano – Courson)
Presque tous… Il me reste à finir la biographie de Keith Richards, puis je terminerai avec “Hergé à 20 ans”.
Il est heureux que tu sois dans cet état d’esprit, puisque tu as lu tous les livres.