Pythagore et le commencement de la philosophie

Héraclide du Pont, cité par Cicéron, raconte qu’« un jour, Léon, roi des Phliasiens, entendit Pythagore discourir sur certains points avec tant de savoir et d’éloquence, que ce prince, saisi d’admiration, lui demanda quel était donc l’art dont il faisait profession. A quoi Pythagore répondit qu’il n’en savait aucun, mais qu’il était philosophe. Et sur ce, le roi, surpris de la nouveauté de ce nom, le pria de lui dire qui étaient donc les philosophes, et en quoi ils différaient des autres hommes ».

Pythagore expliqua alors à Léon que s’il y avait des gens attirés par le gain et la richesse, d’autres par l’amour, d’autres par les espoirs de la renommée et de la gloire, d’autres par la soif de puissance et de domination, l’homme le plus noble se consacrait à observer et comprendre ce qui se passait dans la vie et la nature, et que celui-là, il le nommait philosophe.

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Jusque là, on parlait de Sages. Or, se définir comme ami de la sagesse (philos en grec voulant dire « ami » et sophía « sagesse, savoir »), c’est introduire subtilement une distance entre la sagesse et soi. On ne prétend plus être sage, on travaille à le devenir. Pythagore est ici le premier à refuser de se poser en détenteur d’un savoir. Il met l’accent sur la méthode, le raisonnement, la réflexion critique. Cette idée culminera avec Socrate et son « ce que je sais, c’est que je ne sais rien ».

Je trouve d’ailleurs intéressant de noter que cette remarque illustre parfaitement une autre idée pythagoricienne, selon laquelle « le commencement est la moitié du Tout ». Il semble bien en effet qu’inaugurée de cette manière, la philosophie naissante porte déjà en germe une grande part de ce qu’elle va devenir : non pas la recherche d’une possession de la connaissance, mais l’exercice systématique de la pensée et de la réflexion.

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Clo

J’aime bien aussi l’image du chercheur de vérité qui assaisonne sa recherche d’humour ou de dérision … C’est ainsi que se définit le ‘pataphysicien et la ‘pataphysique (pâte à physique) popularisée
par le père d’Ubu et par le Bison. Si le philosophe sait qu’il ne sait rien, la ‘pataphysique énonce quant à elle le principe de l’équivalence de tout, du savoir et du non savoir, de l’ignorance et
de la vérité… Selon Alfred Jarry, le véritable inventeur de cette philosophie parodique en marge de la sagesse, qualifiée de « science des solutions imaginaires » est un émule de Pythagore, autre
géomètre mathématicien qui s’est illustré à Athènes : Hippocrate de Chios .

Clo

Le commencement une moitié du tout… fruit du désir et de la découverte, si loin de la possession. J’aime ça !

Dans le positionnement de Pythagore, ami de la sagesse tu épingles la distance et la méthode. On pourrait également déceler chez celui qui fait profession de philosophie ce qui est de l’ordre de
l’inclination ; amoureux de la sagesse, n’est-il pas celui qui tend vers elle et qui la désire au point de se consacrer entièrement à son étude ? On peut s’interroger sur l’intentionnalité de cette
démarche. Selon Spinoza, nous ne tendons pas vers une chose parce qu’on la jugeons bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous tendons vers elle – la boite de pandore est ouverte !

Isax0

Cela me fait penser à cette idée Hegelienne, selon laquelle le commencement est un Dieu … pour ceux qui sont attirés par l’amour …

Jacques Langlois

…Et le philatéliste aspire donc à être timbré?