Les dix slips de Jésus

Voyez comme je suis. J’accompagnais ma femme à la messe, comme j’aime à le faire régulièrement, non par goût particulier pour le rituel catholique, ni par conformité envers les conventions sociales de mon milieu, mais parce que j’aime bien partager le plus de moments possibles avec elle, et aussi parce que j’aime entendre l’Evangile, qui est une lecture que je trouve perpétuellement étonnante, féconde, et subversive, et je me trouvais donc à l’église, à rêver tranquillement en observant les personnes qui se trouvaient autour de moi, lorsque le prêtre, que j’écoutais distraitement, évoqua la scène où « Jésus lave les pieds à ses dix slips ». Un délicieux frisson me parcourut aussitôt.

Sa langue avait-elle réellement fourché ? Ne s’agissait-il pas, plutôt que d’un lapsus linguae, d’un lapsus auriculae dont mon oreille se serait rendue coupable ? En tout cas la question m’occupa jusqu’à la fin de l’office. Mon esprit vagabonda sur cette phrase sans la moindre retenue. Je m’émerveillais de la transformation des disciples en dix slips : c’était une métonymie miraculeuse. Cependant, les disciples étant au nombre de douze, qu’étaient donc devenus les deux qui manquaient ? Trois d’entre eux avaient-ils pu fusionner en un seul, renouvelant dans un sous-vêtement le mystère de la Trinité ? Par ailleurs, que pouvait-on bien appeler le “pied” d’un slip ? Est-ce que ça se lavait comme le reste du slip, ou y avait-il une façon spéciale de procéder ? J’échaffaudais dans ma tête des théories absurdes et des images prodigieuses, j’imaginais le lavement de slip en vitrail, à la manière gothique, puis baroque, puis sulpicienne…

Lavement_des_pieds_vitrail_Bourges.jpg

En même temps, prenant comme je le fais souvent un peu de distance par rapport à moi-même, je me mis à m’observer en train de divaguer selon ma propre fantaisie. Je trouvais extraordinaire que cette contrepèterie si simple ne me soit jusqu’ici jamais venue à l’idée. Je n’avais pas non plus le souvenir de l’avoir entendue dans la bouche de quelqu’un d’autre : rien n’en altérait l’impression vive et joyeuse de nouveauté. Qu’elle provoque dans mon esprit des pensées aussi futiles, dans une telle circonstance, au stade déjà avancé où je me trouve de mon parcours dans l’existence, voilà le signe patent de mon irrémédiable légèreté. J’en demande pardon à Jésus : je n’ai aucunement tendance à m’en désoler.

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Jacques Langlois

Si je comprends bien, il y en a un qui se fait sonner les cloches en ces lendemains de Pâques…

Clo

C’est certainement « le signe patent de ton irrémédiable légèreté »… mais ce passage de l’évangile aurait mérité mieux de ta part.
Pour le reste quel dommage que tu y mêles ta voix en restant dans la dérision sans affirmer de ce que tu penses vraiment !

arbon

Non, j’avais écrit ce billet avant la “mutilation” de Piss Christ, et en ai retardé la publication justement pour ne pas faire de lien entre les deux… Ceci dit, l’idée d'”urine du Christ”
reprise sans piper (et sans pipette?) m’amuse pas mal !

Jacques Langlois

Tes élucubrations pascales seraient-elles un dommage collatéral de la récente détérioration à Avignon de la photo de Serrano intitulée “Piss Christ”, où un crucifix baigne dans de l’urine
(…qualifiée d'”urine du Christ” par l’AFP, reprise sans piper par TF1 !!!)?
En tout cas, il faudrait m’éclairer sur la notion de “pied de slip”…Il est vrai qu’il existe des culottes à pieds pour les bébés…