J’entends j’entends est un texte extrait des Poètes, d’Aragon, que je cite souvent. Je pense, avec le recul, qu’il a donné la plus belle chanson de Jean Ferrat. C’est un poème lucide pétri d’humanité. Il ne donne pas de leçons, il ne prend pas parti, il ne se fait pas d’illusions. Il compatit.
Les choses vont comme elles vont
De temps en temps la Terre tremble
Le malheur au malheur ressemble
Il est profond profond profond
De temps en temps la Terre tremble
Le malheur au malheur ressemble
Il est profond profond profond
Lorsqu’il l’a mis en musique, Ferrat a laissé de côté le début du poème. Pourtant, en le relisant aujourd’hui qu’il vient de disparaître, je me demande si ces vers délaissés ne forment pas la plus belle épitaphe qui pourrait fleurir sa tombe:
J’en ai tant vu des malheureux
Et qu’est-ce que j’ai fait pour eux (…)
Sinon chanter chanter chanter
Pour que l’ombre se fasse humaine
Comme un dimanche à la semaine
Et l’espoir à la vérité
Et qu’est-ce que j’ai fait pour eux (…)
Sinon chanter chanter chanter
Pour que l’ombre se fasse humaine
Comme un dimanche à la semaine
Et l’espoir à la vérité
Mais à Aragon, qui avait écrit “Je chante pour passer le temps”, Ferrat avait répondu, par une bien belle chanson, que lui ne chantait pas pour passer le temps…