Hommes et commerce

Je suis toujours abonné à la revue d’HEC. C’est du gâchis de papier, car je ne la lis plus du tout. Elle ne m’a jamais beaucoup intéressé, à la vérité. Mais elle avait autrefois, sous le titre Hommes et Commerce, un côté bon enfant qu’elle a perdu. Elle se veut désormais internationale (nombreux articles en anglais), technique, globale, conquérante. Elle est devenue luxueuse, prétentieuse : un ennuyeux journal de vainqueurs.

Avant de le mettre à poubelle, je jette quand même un coup d’oeil à ce numéro vieux d’il y a trois ans qui trainait dans une pile de journaux. J’y trouve le compte-rendu d’un livre de Philippe Gabilliet, le sympathique ancien doyen de l’ESCP que j’ai connu lorsque je faisais quelques interventions dans son école. Je lis qu’il fustige dans son ouvrage un « travers typiquement français : le pessimisme de but et l’optimisme de chemin. On va échouer mais on va bien s’amuser ».

Cette phrase m’arrête. Il y aurait plein de choses à en dire. Elle pourrait faire un excellent sujet de dissertation : qu’est-ce que le pessimisme de but et l’optimisme de chemin ? En quoi leur combinaison constituerait-elle un travers, et en quoi ce travers serait-il typiquement français ? L’idée d’associer l’échec à l’amusement est-elle nécessairement condamnable ou ridicule ?

Je pense à quelques personnages bien français : à mon ami Montaigne et à sa préméditation de la mort. A Bossuet : Vanitas vanitatis, omnia sunt vanitas. A Balzac et à sa « comédie humaine ». A mon cher La Fontaine et à sa quête de gaité. Et je me dis que la réussite est rarement dans le but : elle est dans le chemin, dans les rencontres qu’il vous offre, dans l’humeur dont on le parcourt.

Le seul véritable échec, à la fin du compte, serait de ne s’être pas amusé.

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Céphéides

Bien dit !