Au sujet de La Bruyère, j’ai lu dans la notice d’une ancienne édition des Caractères que son élection à l’Académie française n’alla pas de soi. D’abord parce qu’il avait peint dans son livre une série de personnages pleins de vices et ridicules, et que plusieurs immortels s’étaient sentis visés. Mais aussi, circonstance aggravante, parce que dès sa parution l’ouvrage avait reçu la faveur du public. La Bruyère s’attira donc, dit la notice, « tous les ennuis que donne la satire, et ceux que donnent le succès ».
Parmi ceux qui votèrent pour lui, on trouve Bossuet, Racine, La Fontaine et Boileau. Mais son élection acquise, ses adversaires ne désarmèrent pas. L’un d’eux fit publier dans le Mercure galant (un journal que La Bruyère plaçait « immédiatement au-dessous de rien ») cette épigramme :
Quand La Bruyère se présente
Pourquoi faut-il crier haro ?
Pour faire un nombre de quarante
Ne fallait-il pas un zéro ?
Il faut reconnaître que la saillie était bien tournée. On s’en est, paraît-il, souvent resservi à l’Académie, et mieux à propos que pour La Bruyère.