C’était une jeune femme que les péripéties de la vie avaient amenée à se retrouver, seule, dans une trop grande maison isolée dans la campagne, et passablement délabrée. Comme elle n’avait pas les moyens de la restaurer, et qu’elle ne connaissait personne dans la région, elle s’était postée un matin devant la façade, et après avoir posé un long regard sur les murs, la porte, le toit, les embrasures des fenêtres, elle avait dit : — Maison, je ne vais pas pouvoir y arriver toute seule. Tu dois m’aider. Tu vas m’aider.
Et vingt ans plus tard, parce qu’elle avait rapidement trouvé un locataire à qui elle avait loué une aile de sa demeure, ce qui lui avait procuré un modeste revenu, parce qu’elle avait rencontré deux ou trois personnes qui s’étaient proposées bénévolement pour l’aider dans ses travaux, parce qu’elle s’était accrochée et qu’elle avait su se donner tout le temps nécessaire, — bref, parce qu’elle y avait cru, elle se trouvait à la tête d’une des plus belles propriétés de la région.
À qui lui en parle, elle affirme que c’est l’aide que la maison lui a apportée en réponse à sa prière qui a rendu tout cela possible. Moi je ne crois pas aux esprits des maisons, mais je me garde bien d’objecter à ses dires. Claudine, elle, la reçoit cinq sur cinq. À la vérité, je pense que je les envie toutes deux de savoir appeler à leur rescousse des forces obscures et bienveillantes. Beaucoup de femmes sont ainsi d’ailleurs. Il y a une dimension de leur existence dans laquelle évoluent les anges gardiens, les esprits des défunts qui veillent sur ceux qu’ils ont aimé, les saints patrons, qu’elles n’hésitent pas à convoquer en tant que de besoin. Cette dimension me fait défaut. Ma vie est plus plate. C’est un fait, dont je fais simplement le constat.
C’est très beau! Je connais une histoire semblable, qui a permis l’existence aujourd’hui du Château du Ligoure, dans le Limousin. Peut-être pas la même histoire, mais l’esprit est pareil. Le manoir et le paysage autour sont superbes, apaisants et pleins de vie artistique et solidaire.
C’est une très belle personne, sa maison lui ressemble Je crois comme notre amie que les maisons ont une âme ; et lorsqu’il advient, comme c’est le cas ici, qu’une demeure sorte d’une torpeur ou d’un abandon prolongé et qu’elle retrouve une nouvelle jeunesse, alors l’esprit du lieu (si on l’invoque) peut se manifester. La prière de notre amie a été exaucée. Mais bien entendu rien ne se serait fait sans sa volonté et son talent !