Le travail de la nuit

Les enterrements se succèdent à vitesse grand V. Hier c’est encore une amie que nous avons enterrée dans un charmant petit cimetière du Pays Basque.

Michèle Neurrisse était peintre. C’était une femme qui alliait la plus grande douceur à la plus grande détermination. Elle n’a jamais vraiment connu le succès, mais ne s’en souciait guère. Ce qui lui importait, c’était de suivre son chemin, de l’inventer jour après jour. Elle savait qu’après avoir semé, on ne peut rien si on ne laisse faire la nuit, la nature et le temps qui passe. Et elle savait que ce qu’on récolte n’est pas la gloire, mais la joie intime d’un jour nouveau à vivre, lumineux de questions.

Elle l’avait dit dans un texte magnifique, qu’elle avait placé en tête d’un catalogue d’exposition il y a une dizaine d’années, et que son fils aîné a lu à l’église :

Aller aux limites de l’effort comme un vrai laboureur.
Savoir attendre la fécondation. Laisser faire la nature !
Se lever le matin et se précipiter pour voir les sillons : le travail de la nuit.
La lune est passée par la fenêtre du toit !
Se regarder dans le miroir et découvrir son visage, ses nouvelles rides jour après jour.
État brut, sauvage.
De la cuisson du papier à sa nouvelle texture, la nature apparaît et se réjouit.
L’atelier de l’artiste reste un lieu fondateur.
L’eau ramène à la mer,
Le papier ramène à l’arbre, l’arbre à la terre.
La terre à Dieu.
Où est l’homme ? Où est Dieu ?

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