Les récentes révélations sur les mauvais traitements infligés aux bêtes dans certains abattoirs ont remis sur le devant de l’actualité la question des droits des animaux. On envisage de nos jours la chose dans un sens protecteur : un statut de l’animal doit garantir que l’homme se comporte dignement avec lui.
Cependant, les droits s’accompagnant juridiquement de devoirs, et l’humanité étant ce qu’elle est, je me demande si faire de l’animal un sujet de droit ne pourrait pas rouvrir la voie à la pratique ancienne des procès d’animaux. Dans l’Antiquité, et jusqu’au Moyen-Age, on condamnait à la potence ou au bûcher vaches, chevaux ou cochons qui avaient blessé ou tué un homme. Les nuisibles (taupes, sauterelles, charançons) étaient assignés en justice. Saint Bernard excommunia des mouches qui l’empêchaient de prêcher (elles moururent aussitôt), et Saint Ambroise des grenouilles qui coassaient pendant la messe (et elles se turent).
Du même coup, une profession disparue pourrait renaître : celle d’avocat d’animaux. Un pénaliste devint célèbre au XVIè siècle pour avoir assuré non seulement la défense des hannetons de Beaune, accusés de faire de grands dommages à la vigne, mais aussi celle des rats du diocèse d’Autun. Dans ce dernier procès, il eut gain de cause, en faisant annuler l’assignation des rongeurs, au motif que les délais pour comparaître n’étaient pas suffisants, vu la distance, « véritablement longue pour les courtes pattes de ses clients »; (…) vu les difficultés du voyage ; vu les chats du voisinage guettant leurs proies ; et vu par conséquent « les tours et détours nécessaires » pour que les prévenus arrivent à bon port.
Biblio: Edouard-L. de.Kerdaniel. Les Animaux en Justice.