Des tenues de bain à Grenoble et Granville

Une délibération du conseil municipal de la ville de Grenoble a récemment défrayé la chronique. Elle portait sur la mise à jour du règlement des piscines. Après des débats tortueux et difficiles, la décision a été prise d’autoriser simultanément comme tenues de bain le burkini et les seins nus. La mairie espérait sans doute que ce grand écart vestimentaire et réglementaire serait de nature à satisfaire les plus rigoristes comme les plus libéraux.

Au motif cependant que permettre le port du burkini c’est faire droit à une revendication des fondamentalistes musulmans, politiques et penseurs se sont emparé de l’affaire et la controverse a rapidement enflé au-delà des frontières de l’Isère. On allait bientôt, disaient certains, voir les imams exiger que les hommes et les femmes ne partagent pas les mêmes lieux et / ou horaires de baignade ; or il était bien sûr inacceptable d’aller dans ce sens car c’était contraire aux valeurs d’émancipation et d’égalité dont s’enorgueillit la France.

Il se trouve que, par une amusante coïncidence, j’ai découvert chez des amis un arrêté pris en 1837 par le maire de Granville, relatif à la Police des Bains de mer. Comme il a le mérite de remettre quelque peu les choses en perspective, je le cite :

Article 1. Dans la Grève du Nord, la partie de la plage comprise entre le rocher le plus à l’Ouest, et la gaule placée à l’Est, est destinée exclusivement au bain des femmes. La partie comprise entre cette gaule et les rochers, toujours à l’Est, est destinée au bain des hommes habillés. Enfin toute la partie de Grève au-delà de ces rochers, à l’Est, est destinée au bain des hommes non-habillés.

Article 2.  Les hommes habillés, dont il est parlé en l’art. 1er, seront vêtus d’un caleçon en tricot. Une cabane sera mise à leur disposition pour s’y déshabiller et habiller.

Article 3. Il est interdit aux hommes de se promener ou de stationner sur ou le long de la Grève occupée par les femmes durant le bain de celles-ci.

Observons donc que pour le bain on ne mélangeait pas à l’époque les femmes avec les hommes ; que parmi ceux-ci on séparait ceux qui se baignaient nus de ceux qui étaient habillés ; qu’à tous les messieurs, vêtus ou non, défense était faite d’aller mater les dames ; et que ces dispositions, globalement, étaient conformes aux prescriptions qu’on nous présente aujourd’hui comme étant celles de la loi islamique (encore que j’aie un doute sur le caleçon en tricot).

Le règne de Louis-Philippe était-il, sans qu’on l’ait su, un califat ?

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