Celui qui part

yves bonnefoy

D’Yves Bonnefoy, j’ai le souvenir d’un homme austère, presque rugueux, cheveux blancs et regard gris, d’une exceptionnelle compacité de présence. Je l’avais rencontré deux ou trois fois chez Flammarion, lorsqu’il travaillait à sa monographie sur Giacometti, et à son monumental Dictionnaire des Mythologies. Je l’ai revu il y a deux ans. Je l’ai salué. Un homme comme lui, je ne savais pas quoi lui dire. Face à ce maître du langage, tous mes propos paraissaient insipides. Il m’impressionnait. Il est mort vendredi, et voilà qu’il est devenu celui qui part, celui qui est parti.

« Je vais,
Et il me semble que quelqu’un marche près de moi,
Ombre, qui sourirait bien que silencieuse
Comme une jeune fille, pieds nus dans l’herbe,
Accompagne un instant celui qui part.

(…)

Mais maintenant
Me voici hors de la maison dont rien ne bouge
Puisqu’elle n’est qu’un rêve. Je vais, je laisse
N’importe où, contre un mur, sous les étoiles,
Ce miroir, notre vie. Que la rosée
De la nuit se condense et coule, sur l’image. »

Yves Bonnefoy, 1923-2016. Ce qui fut sans lumière, Mercure de France

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